Les 14 épisodes du retour d’Ulysse
1° Départ de Troie : Ulysse
quitte Troie avec sa flottille comprenant une douzaine de bateaux, soit un
millier d’hommes. Il débarque chez les
Cicônes, à Ismaros.
2°
Première tempête, puis après une courte
accalmie, coup de vent, qui emmène
Ulysse chez les Lotophages.
3°
Les Cyclopes : Ulysse aveugle le cyclope
Polyphème,
fils du dieu Poséidon, ce qui entraîne la malédiction d’Ulysse par ce dieu et
son errance sur la mer.
4° Chez
le dieu des vents, Eole,
qui
aurait dû permettre son retour
à Ithaque.
5°
Débarquement chez les Lestrygons : Ulysse perd onze vaisseaux
et s'échappe avec le douzième.
6°
Séjour chez Circé, la magicienne.
7°
Visite au pays des morts, prédiction de son avenir.
8°
Le chant des Sirènes.
9°
Les écueils Charybde et Scylla.
10°
L'île de Thrinakiè et les bœufs du Dieu
Soleil Hélios.
11°
Seconde tempête, Ulysse échappe seul à la mort et arrive chez
Calypso.
12°
Séjour chez Calypso ; délivrance et départ d'Ulysse.
13°
Troisième tempête : Ulysse naufragé aborde chez
les Phéaciens.
14° Ulysse rentre à Ithaque seul et
incognito.
Les sites nommés et connus des
grecs
Site 1 : ISMAROS (en Thrace) où
Ulysse s’approvisionne est proche de MARONIA.
Site 2 : le pays des Lotophages,
sur le rivage nord de l’Afrique.
Site 4 : la demeure d’Eole dans les
îles éoliennes, probablement le STROMBOLI.
Site 6 : Chez la magicienne Circée,
la presqu’île CIRCEO sur la côte italienne.
Site 7 : l’entrée des enfers
pour les anciens se situe dans les champs phlégréens (au
nord de Naples).
Sites 8 et 9 : le détroit de
Messine, le village de Scilla
existe.
Site 10 : Trinakié est
l’ancien nom de la Sicile.
Sites 11 et 12 : situé aux Colonnes
d’Hercule (face à Gibraltar).
Site 13 : Homère situe l’île des Phéaciens à
une demi-journée à l’est de la grande île d’Eubée pour les bons rameurs du roi
des Phéaciens, peut-être SKYROS.
Reste
donc à trouver seulement 2 sites, le 3 et le 5 :
sites non nommés mais décrits avec précision par Homère.
L’Odyssée laisse donc 2 escales en des lieux non nommés, mais dont
les particularités sont décrites par Homère longuement et minutieusement avant
qu’il ne passe à l’épisode merveilleux.
On sait que l’île de Corse n’était pas à l’époque dans la zone
d’influence grecque et, de plus, seule la côte orientale intéressera les
Phéniciens. Le nom de l’île n’est cité dans aucun écrit à cette époque, ce qui
n’empêche pas les marins de connaître les particularité des côtes et ses rares
abris possibles. Les Grecs ne donneront le nom de Kurnos à cette île que bien postérieurement à la date supposée de l'Odyssée.
Le texte d’Homère permet-il de situer ces 2 escales dans l’île de
Beauté ou ailleurs ?
Si le site de BONIFACIO a été choisi par nombre d'hellénistes comme terre des Lestrygons, car décrit avec des précisions géographiques, le site de la terre des cyclopes n'a pas fait jusqu'à présent l'unanimité, ce qui est curieux car cette escale est celle qu'Homère nous décrit avec d'abondantes précisions ! Encore fallait-il à la fois lire attentivement le texte et connaître les rivages méditerranéens et les mœurs des habitants en ces temps lointains !
La terre des Cyclopes et la malédiction de Poséidon (site
non nommé mais décrit avec précision)
Après
la calme visite chez les doux Lotophages, cet épisode est fondamental car l’aveuglement
du cyclope Polyphème par Ulysse et ses compagnons va engendrer la malédiction
de son père Poséidon, dieu de la mer, qui contrariera sans cesse le retour vers
Ithaque. On assiste dès lors à une succession d’épisodes qui vont
progressivement anéantir la petite armée
d’Ulysse (une douzaine de bateaux, soit un millier d’hommes) et le faire
rentrer seul et incognito à Ithaque.
Polyphème
demande à Poséidon (Neptune pour les Romains) de maudire Ulysse :
“Entends-moi, Poseidaôn aux cheveux
bleus, qui contiens la terre ! Si je suis ton fils, et si tu te glorifies
d’être mon père, fais que le dévastateur de citadelles, Odysseus, fils de
Laertès, et qui habite dans Ithakè, ne retourne jamais dans sa patrie. Mais si
sa destinée est de revoir ses amis et de rentrer dans sa demeure bien
construite et dans la terre de sa patrie, qu’il n’y parvienne que tardivement,
après avoir perdu tous ses compagnons, et sur une nef étrangère, et qu’il
souffre encore en arrivant dans sa demeure !
Il pria ainsi, et l’illustre aux
cheveux bleus l’entendit.”
Le
déroulement du séjour au pays des cyclopes est le suivant :
- Une mise en lieu sûr des douze nefs
et du millier d’hommes dans un site extérieur à la terre de cyclopes (un port
naturel très protégé de la houle).
- Le départ d’Ulysse sur sa nef avec sa
centaine de compagnons vers la terre des cyclopes.
- L’expédition terrestre d’Ulysse et
douze compagnons vers la grotte de Polyphème.
- Le retour des survivants vers la nef.
- La nef rejoint les onze autres
navires et repart.
L’aède
a donc besoin de deux sites bien distincts pour donner cohérence au
récit :
- soit il a inventé entièrement les
lieux pour situer la fable,
- soit il place l’épisode dans une
région isolée mais connue des marins grecs et présentant toutes les
caractéristiques géographiques nécessaires.
La
grande profusion de détails concernant cette escale laisse à penser que le
conteur a collecté beaucoup d’informations sur la région décrite et ses
habitants, et que les mœurs et coutumes de ces “barbares”, fort différents de
l’organisation démocratique grecque, avaient dû intriguer les navigateurs
grecs.
Aucune
autre escale n’est décrite avec autant de précisions topographiques et
sociales. Il faut aussi remarquer que contrairement à d’autres trajets entre
les escales, il n’est fait aucune mention de la durée de navigation entre le
pays des Lotophages (Afrique du Nord) et la terre des Cyclopes ainsi que de
cette terre au royaume d’Eole. Par contre, le conteur indique six jours et six
nuits entre Eole (l’île Stromboli ?) et la ville des Lestrygons
(Bonifacio ?).
“Et ils y montèrent, et, s'asseyant en
ordre sur les bancs de rameurs, frappèrent de leurs avirons la blanche mer, et
nous naviguâmes encore, tristes dans le cœur. Et nous parvînmes à la terre des
Cyclopes orgueilleux et sans lois qui,
confiants dans les Dieux immortels, ne plantent point de leurs mains et ne labourent point. Mais, n'étant ni
semées, ni cultivées, toutes les plantes croissent pour eux, le froment et
l'orge, et les vignes qui leur donnent
le vin de leurs grandes grappes que font croître les pluies de Zeus. Et les agoras ne leur sont
point connues, ni les coutumes ; et ils habitent le faîte des hautes montagnes,
dans de profondes cavernes, et, chacun d'eux gouverne sa femme et ses enfants,
sans nul souci des autres.
Une petite île est devant le port de la
terre des Cyclopes, ni proche, ni éloignée. Elle est couverte de forêts où se
multiplient les chèvres sauvages. Et la présence des hommes ne les a jamais
effrayées, car les chasseurs qui supportent les douleurs dans les bois et les
fatigues sur le sommet des montagnes ne parcourent point cette île. On n'y fait
point paître de troupeaux et on n'y laboure point ; mais elle n'est ni
ensemencée ni labourée; elle manque d'habitants et elle ne nourrit que des chèvres
bêlantes. En effet, les Cyclopes n'ont point de nefs peintes en rouge, et ils
n'ont point de constructeurs de nefs à bancs de rameurs qui les portent vers
les villes des hommes, comme ceux-ci traversent la mer les uns vers les autres,
afin que, sur ces nefs, ils puissent venir habiter cette île. Mais celle-ci
n'est pas stérile, et elle produirait toutes choses selon les saisons. Il y a
de molles prairies arrosées sur le bord de la blanche mer, et des vignes y
croîtraient abondamment, et cette terre donnerait facilement des moissons, car
elle est très grasse. Son port est sûr, et on n'y a besoin ni de cordes, ni
d'ancres jetées, ni de lier les câbles ; et les marins peuvent y rester aussi
longtemps que leur âme le désire et attendre le vent. Au fond du port, une
source limpide coule sous une grotte, et l'aune croît autour.
C'est là que nous fûmes poussés, et un
Dieu nous y conduisit pendant une nuit obscure, car nous ne pouvions rien voir.
Et un épais brouillard enveloppait les nefs, et Sélène ne luisait point dans
l'Ouranos, étant couverte de nuages. Et aucun de nous ne vit l'île de ses yeux,
ni les grandes lames qui roulaient vers le rivage, avant que nos nefs aux bancs
de rameurs n'y eussent abordé. Alors nous serrâmes toutes les voiles et nous
descendîmes sur le rivage de la mer, puis, nous étant endormis, nous attendîmes
la divine Éos.
Quand Éos aux doigts rosés, née au
matin, apparut, admirant l'île, nous la parcourûmes. Et les Nymphes, filles de
Zeus tempétueux, firent lever les chèvres montagnardes, afin que mes compagnons
pussent faire leur repas. Et, aussitôt, on retira des nefs les arcs recourbés
et les lances à longues pointes d'airain, et, divisés en trois corps, nous lançâmes
nos traits, et un Dieu nous donna une chasse abondante. Douze nefs me
suivaient, et à chacune le sort accorda neuf chèvres, et dix à la mienne.
Ainsi, tout le jour, jusqu'à la chute d’Hélios, nous mangeâmes, assis, les
chairs abondantes, et nous bûmes le vin rouge ; mais il en restait encore dans les nombreuses amphores
que nous avions de la citadelle sacrée des Kikônes. Et nous apercevions la
fumée sur la terre prochaine des Cyclopes, et nous entendions leur voix, et
celle des brebis et des chèvres. Et quand Hélios tomba, la nuit survint, nous
nous endormîmes sur le rivage de la mer. Et quand Éos aux doigts rosés, née au
matin, apparut, ayant convoqué l'agora, je dis à tous mes compagnons :
— Restez ici,
mes chers compagnons. Moi, avec ma nef et mes rameurs, j'irai voir quels sont
ces hommes, s'ils sont injurieux, sauvages et injustes, ou s'ils sont
hospitaliers et craignant les Dieux.
Ayant ainsi
parlé, je montai sur ma nef et j'ordonnai à mes compagnons d'y monter et de
détacher le câble. Et ils montèrent, en ordre sur les bancs de rameurs, ils
frappèrent la blanche mer de leurs avirons.
Quand nous
fûmes parvenus à cette terre prochaine, nous vîmes à son extrémité, une haute
caverne ombragée de lauriers, près de la mer. Et là, reposaient de nombreux
troupeaux de brebis et de chèvres. Auprès, il y avait un enclos pavé de pierres
taillées et entourés de grands pins et de chênes aux feuillages élevés. Là
habitait un géant qui, seul et loin de tous, menait paître ses troupeaux, et ne
se mêlait point aux autres, mais vivait à l'écart, faisant le mal. Et c’était
un monstre prodigieux, non semblable à un homme qui mange le pain mais au faîte
boisé d'une haute montagne, qui se dresse, seul, au milieu des autres sommets.”
Tout d’abord il faut écarter l’hypothèse simpliste
identifiant le cyclope à un volcan : la bouche d’un volcan, le Vésuve ou
l’Etna, ne peut être à la fois l’entrée d’un monde souterrain infernal, domaine
du dieu forgeron Héphaïstos (Vulcain chez les Romains), et un géant, le récit
d’Homère est suffisamment documenté mythologiquement pour ne pas commettre
cette confusion. Et l’œil doit être vue par les marins.
Ensuite, il est frappant que seul le dernier
paragraphe fasse appel au merveilleux alors que les précédents décrivent lieux,
habitants et organisation sociale sans citer la particularité physique
monstrueuse des habitants ! Et Homère, comme un historien-géographe antique,
multiplie les indications précises concernant cette terre :
Si ce n’est pas pure invention, il faut donc trouver
en Méditerranée,
- Une terre connue des marins grecs mais sans nom.
- Un peuple
de bergers “orgueilleux et sans lois” :
comme Polyphème, ils ne sont pas agriculteurs mais bergers et n’ont pas
d’assemblée ou de conseil (agora).
- “
ils habitent le faîte des hautes
montagnes” : habitants les montagnes boisées loin des côtes,
- “
chacun d'eux gouverne sa femme et ses enfants,
sans nul souci des autres” : donc vivant en clans familiaux
sans organisation sociale,
- “ ne plantent point de leurs mains et ne labourent point. Mais,
n'étant ni semées, ni cultivées, toutes les plantes croissent pour eux” :
pratiquant une agriculture rudimentaire de cueillette.
- “ n'ont point de nefs peintes en rouge, et ils n'ont point de constructeurs
de nefs” : donc n’ayant
aucun caractère maritime. A elle seule, cette description réduit le nombre de peuples possibles sur le
pourtour méditerranéen, rares sont les peuples méditerranéens qui ne naviguent
pas, ne construisent pas de bateaux et vivent éloignés des côtes. Cette
précision est fondamentale.
- “Elle est
couverte de forêts où se multiplient les chèvres sauvages. Et la présence des
hommes ne les a jamais effrayées, car les chasseurs qui supportent les douleurs
dans les bois et les fatigues sur le sommet des montagnes ne parcourent point
cette île” : les pentes proches de la mer ne sont parcourues que par
les chèvres sauvages et les habitants ne chassent pas (bergers, ils ont de la
viande à leur disposition).
Le rivage de cette île comporte un port naturel
calme où aborde Ulysse et il y a une source ; l’île n’est pas exploitée
par les habitants et elle est livrée aux chèvres sauvages “montagnardes”, cette terre n’est “ni près ni loin” de la terre des Cyclopes. Et pour préciser, partant
de ce port et longeant la terre des cyclopes, il faut apercevoir une haute
montagne, seule au milieu des autres sommets, avec un œil bien visible depuis
la mer, celle qu’Homère identifie à ce cyclope Polyphème, vivant “seul et loin de tous”, “semblable à une haute montagne”. Il
s’agit bien de la description du faîte d’une montagne “qui se dresse, seul, au milieu des autres sommets” et non d’“un homme qui mange le pain”, dans la
fable le poète transforme donc la montagne en géant et non l’inverse.
L’ensemble de ces éléments peut donner une solution
cohérente en tous points sur la côte occidentale de la Corse :
- l’île ne sera nommée par les Grecs Kurnos que plusieurs siècles plus tard.
- les rivages occidentaux de l’île sont alors
insalubres, les activités maritimes absentes.
- Le site abordé par la flottille est la baie de
Girolata à l’extrémité sud de la presqu’île de Scandola, montagneuse, boisée,
inhabitée encore aujourd’hui sauf par les chèvres sauvages, située entre les golfes
de Girolata et Galéria, au nord du golfe de Porto. Scandola a des parois
rocheuses volcaniques composées de rhyolithe tombant en mer comportant de très
nombreux et remarquables tafoni, trous géants et porches, c’est un “peuple
d’yeux”. Elle n’est rattachée à la terre que par le col de Palmarella. Nulle
part sur les rivages méditerranéens on ne trouve ces reliefs déchiquetés,
troués, très différents des paysages granitiques « en boules » ou des
falaises calcaires. Ajoutons que cette région très (trop) fréquentée
aujourd’hui n’était connue que de quelques rares locaux jusqu’aux années 1960.
L’anse de
Girolata, seul port naturel sûr entre Calvi et Cargèse
Ulysse abrite
sa flottille à Girolata, ni proche, ni éloignée des cyclopes, longe avec son
équipage la terre des cyclopes, c’est-à-dire les reliefs tourmentés, creux ou
percés de Scandola, et accoste dans l’embouchure du Fangu, d’où il voit l’œil
du cyclope Polyphème qui vivait seul à l’écart de tous. En repartant il évite
les deux rochers lancés par Polyphème, c’est-à-dire les deux écueils situés à
la sortie du golfe de Galéria, entre l’œil de la pointe de Stolo et la baie
volcanique d’Alpa Néra.
Tafoni et
trou : il est encore courant de voir des chèvres sauvages dans le trou ou
plus bas, venues sommeiller à l’ombre ou venant lécher le sel marin.
une sauvage et belle chèvre noire dans le maquis surplombant l'onde amère
une sauvage et belle chèvre noire dans le maquis surplombant l'onde amère
Des tafonati
et en partie haute un des grands porches taillés dans la rhyolithe
Le golfe de
Galéria et le delta du Fangu
-Entre l’eau
douce du Fangu et la mer-
La falaise du
Paglia Orba et à droite le pic troué, le Capu Tafunatu, vus depuis le rivage à
l’embouchure du Fangu, fleuve qui prend sa source au Tafunatu
Le port devrait être l’anse de Girolata pourvu d’eau
douce. Girolata, “ni trop près, ni trop loin” est le seul abri vraiment sûr de
cette partie de côte la plus occidentale de la Corse, abri fréquenté depuis
l’antiquité car protégé de tous les vents et disposant d’une côte sableuse,
véritable port naturel et sûr encore de nos jours.
Ajoutons que Girolata, peu éloigné de Scandola,
n’est pas le pays des cyclopes, il le jouxte, les reliefs volcaniques en forme
d’yeux ne commençant qu’au sortir du golfe : la description d’Homère est
précise.
Si la nef d’Ulysse remonte de Girolata vers le nord,
elle longe Scandola, les baies d’Elbo et Focolara (domaines des tafoni) et elle
arrive rapidement dans le golfe de Galéria (qui n’est qu’un abri maritime
précaire) en doublant la pointe de Stolo et son rocher percé d’un petit œil.
Le navigateur aperçoit inévitablement le Capu Tafunatu
(2335 m.), son gigantesque ouverture en forme d’œil bien visible depuis la mer
avec son ouverture de 35 m. par 10 m. se détachant des autres sommets (Cinto,
Punta Minuta et Paglia Orba) et à côté la grande falaise verticale de la Paglia
Orba, repérable même par temps brumeux. A noter que Scandola est la pointe
ouest extrême de la Corse, sans aucun doute un autre point remarquable pour les
navigateurs antiques.
Enfin, en quittant le golfe de Galéria, retournant
au port de Girolata, on retrouve en mer, non loin du rivage, les deux rochers
que le cyclope aveuglé par Ulysse lança dans la mer, ce sont 2 gros écueils,
connus sous les noms d’Ecueil de terre et Ecueil de mer (ils sont devenus aux
temps chrétiens les morceaux manquants du Capu Tafunatu : le diable, suite à un pari perdu, ayant lancé
un soc de charrue depuis le lac de Nino, soc qui heurta cette montagne et la troua ;
les faits légendaires perdurent !).
Le soleil
couchant à travers l’œil du Capu Tafunatu vu depuis le versant inverse, côté
Calasima. Le même phénomène peut être observé par les marins qui voient arriver
“Eos aux doigts de rose” puis “Hèlios” à travers l’œil du cyclope.
L’embouchure du Fangu qui s’étale en delta avant de
gagner la mer était insalubre et sans habitants ni cultures, malgré les
tentatives successives de colonisation des romains, de Pise et de Gênes. Le
peuple berger vit sur les hauteurs jusqu’au pied des montagnes en bout de la
vallée longue d’une dizaine de km.
La
conclusion est que si Homère a inventé les deux sites de cette escale, il a
fait preuve d’une imagination qui confine à cette réalité corse, si non è vero, è ben trovato !
On
peut ajouter que l’épisode est rendu “crédible” du fait qu’Ulysse part sur sa
seule nef avec ses compagnons, laissant dans un port sûr tous les autres
bateaux et limitant le nombre d’hommes dans la grotte du cyclope.
On
peut aussi remarquer à nouveau les précisions fournies par le conteur décrivant
la traite des chèvres et brebis et la préparation des fromages, ce qui rend le
récit très vivant.
“Et il poussa dans la caverne large
tous ceux de ses gras troupeaux qu’il devait traire, laissant dehors les mâles,
béliers et boucs, dans le haut enclos. Puis, soulevant un énorme bloc de
pierre, si lourd que vingt-deux chars solides, à quatre roues, n’auraient pu le
remuer, il le mit en place. Telle était la pierre immense qu’il plaça contre la
porte. Puis, s’asseyant, il commença de traire les brebis et les chèvres
bêlantes, comme il convenait, et il mit les petits sous chacune d’elles. Et il
fit cailler aussitôt la moitié du lait blanc qu’il déposa dans des corbeilles
tressées, et il versa l’autre moitié dans les vases, afin de la boire en
mangeant et qu’elle lui servît pendant son repas.”